
Le hasard a voulu que j’aie lu « NGANDU BIANGULA, Lubila ! » pendant un vol qui a fait escale à Mbuji-Mayi. Cette ville est la capitale de la province du Kasaï Oriental dans laquelle se trouve Miabi, point de départ de cette nouvelle.
Je connais le travail de NGANDU depuis au moins deux ans, jeune Médecin et écrivain congolais, auteur de deux recueils de poésie. J’ai également fréquenté sa plume de nouvelliste dans mon travail d’éditeur.
J’ai donc beaucoup apprécié l’évolution de son écriture dans Lubila !. Elle s’est considérablement allégée et simplifiée, gagnant en clarté et en fluidité. J’ai bien retrouvé de temps en temps le NGANDU un peu trop recherché, parfois même ampoulé (« cet amas de cellules qui lui servait de corps » ; « son paradis était désormais damné en enfer » ; « malheur ne vient jamais seul, il traîne toujours à sa queue la cohorte de ses fils, les maux » …). Dans l’ensemble, j’ai apprécié cette évolution et je lui souhaite de l’affermir tout en gardant cette fantaisie et cette poésie (« bâtir notre empire avec des briques d’étoiles » ; « et l'écho de sa voix ne s'était pas encore perdu dans les flots du vent que sa tête roulait déjà à terre ») qui fait (et fera sans doute à l’avenir) sa marque de fabrique. On peut aussi lui reprocher une absence de description des lieux. Cela nous laisse un peu orphelin. Le récit aurait gagné en densité autrement. Mais c’est sans doute un choix de se concentrer sur les personnages et les évènements d’autant plus que la nouvelle n’offre pas beaucoup de marge. Je lui reproche par contre cette phrase : « Cet arrêt de bus dépourvu de sièges comme dans les grandes villes de l'occident, ils durent trouver leur assiette sur des blocs de pierres, étroits et muets témoins ». Il succombe là à la tentation commune à la plupart des auteurs du continent de décrire d’une certaine manière des éléments de leur environnement presqu’en s’excusant, comme si leur récit était destiné aux étrangers (« les occidentaux » en l’espèce).
Je note qu’il y a des belles incursions en tshiluba, la langue locale des lieux racontés, notamment un beau poème traduit en note de bas de page. Ça rajoute un parfum d’authenticité que j’ai apprécié particulièrement.
Le principal intérêt de cette nouvelle est évidemment le drame individuel et collectif qu’elle raconte et que je ne vais évidemment pas spoiler. Je me contenterai de me réjouir du fait que la littérature se saisisse de cette période difficile qu’a traversé cette région du pays (le conflit KAMUENA NSAPU). Le mérite de NGANDU est de nous plonger dans une histoire individuelle pour nous permettre de regarder la tragédie à hauteur d’hommes et de femmes que nous nous habituons trop souvent à ne voir que comme des chiffres à comptabiliser dans les bilans des dépêches de presse. Il y a une histoire d’espoir touchante, le récit d’un refus de plier, d’une tentative de résister à une violence dont le narrateur, les personnages, probablement l’auteur et, je l’avoue, moi-même, ne comprenons pas grand-chose.
L’exercice est donc réussi : nous plonger dans le quotidien de la vie de ces gens confrontés aux violences récurrentes en RDC, leur volonté de rester debout, dignes, et vivants…
Je conseille vivement cette nouvelle dont le titre est lui-même déjà un poème.